
« J’ai vu l’Empereur, cette âme du monde – sortir de la ville pour aller en reconnaissance ; c’est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré en un point de l’espace, assis sur son cheval, s’étend sur le monde et le domine. »
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, le 13 octobre 1806 à Iéna
En ce 15 mars 1978, 172 ans après les troupes Napoléoniennes, des corses débarquent à Iéna, au Ernst-Abbe-Sportfeld, le stade de football de la ville d’Allemagne de l’Est. Il y a quinze jours l’équipe du FC Carl Zeiss Jena a été étrillée 7 buts à 2 par le Sporting Étoile Club de Bastia en quart de finale aller de la Coupe d’Europe de l’UEFA. Les supporters allemands déploient une banderole qui démontre qu’ils font plus naturellement que les corses référence à Napoléon : « Remember Waterloo » clame-t-elle mais au bout du compte le Waterloo sera pour l’équipe allemande, le SEC Bastia se qualifiant pour la demi-finale.
À titre personnel, c’est en 2006 à l’occasion du bicentenaire de la bataille que je suis venu à Iéna pour la première fois. La ville, siège historique des célèbres entreprises Zeiss et Schott, doit beaucoup à Johann Wolfgang Goethe (1749 – 1832), romancier, dramaturge, poète, théoricien de l’art et homme d’État allemand, mondialement connu.

Grâce à lui, Iéna reçut les Lumières de l'École de Weimar, ce qui suscita la renaissance de l'université. Goethe y consacra tout son zèle, pédagogique et administratif.
L'université recruta une pléiade de talents faisant ainsi de la ville le centre de l’idéalisme allemand, mais aussi du mouvement romantique. Mon premier contact avec la ville se révéla pour des raisons multiples être un télescopage d’émotions incertaines, une sorte de « Tempête et Passion » que n’auraient peut-être pas désavoué Goethe et Schiller.
Quoiqu’il en soit, en ce mois d’octobre me voici au pied de l’immense tour cylindrique, la JenTower, haute de 160 m, construite en 1972 sur un projet de l’architecte star de la RDA Hermann Henselmann.

Certes, Iéna ne m’a pas semblé être au premier abord la plus belle ville que j’ai visitée mais si l’on est patient, si l’on est capable d’ouvrir notre sensorialité et notre instinct à l’esprit insondable qui flotte sur cette cité, on percevra le souffle omniprésent et profondément enraciné de la culture, de la connaissance et de la force de la technique qui en ont fait la renommée depuis des siècles.
Pour retrouver Napoléon, je dois me rendre à l’église Saint Michel dans le centre, elle a servi d’hôpital de fortune et de refuge pour les blessés de la terrible bataille, il faut y marquer un arrêt par respect et en souvenir des victimes et pour ne pas oublier que les guerres sont toujours une tragédie et aussi parce que nous sommes dans l’une des villes de l’ex Allemagne de l’Est qui a le mieux réussi sa transition forcée vers l’occident.

Le champ de bataille n’est pas très loin, c’est en effet un champ dans une campagne verdoyante et apaisée, un petit musée désuet nous rappelle les mouvements de troupes et les milliers de soldats qui y sont tombés.
Nous pouvons désormais retourner vers la ville pour rejoindre le Planétarium, construit au début du XXème siècle mais renfermant, sous son dôme, la plus moderne des technologies cinématographiques qui nous propulse au cœur du sujet grâce à la vision à 360 degrés. C’est ici que l’administration porte depuis quelques années le double projet de réaliser un film consacré à Napoléon, spécifiquement adapté au lieu et de faire du lieu lui-même le trait d’union entre le champ de bataille et le cœur de la ville historique.

Je crois profondément que cette ville marque du signe du romantisme dont elle a été un des berceaux, les visiteurs à l’âme et au cœur passionnés.

À suivre…
Chroniques de voyages par Jacques Mattei
Apparaissent dans cet épisode : Ville de Iéna, Johann Wolfgang von Goethe, "Museum 1806" Jena-Cospeda, Zeiss Planetarium Jena, FC Carl Zeiss Jena, SC Bastia.