
À moins vingt-cinq degrés centigrades, on comprend qu’il était un peu ridicule de se plaindre du froid, une semaine plus tôt, sur la place Saint-Nicolas en Corse alors que le thermomètre dépassait allègrement le zéro de plus d’une dizaine d’unités.
Ce matin, dans la capitale biélorusse, le ciel est d’un bleu azur et le sol d’un blanc immaculé, le froid nous triture les joues à peine nous quittons le hall surchauffé de l’hôtel. Dans les rayons du soleil matinal semblent voleter mille et une petites paillettes d’argent, c’est en réalité l’humidité qui gèle en suspension. De Minsk, il nous faudra bien plus d’une heure pour rejoindre Borisov en voiture.

La Bérézina, c’est un fleuve mais c’est surtout un nom mythique qui désormais dans le vocabulaire français renvoie aux échecs les plus marquants. Charles Bonaparte et moi-même n’en avons que faire, nous voulons découvrir le lieu de la bataille, le lit du fleuve que les troupes des armées napoléoniennes ont dû traverser par des températures encore plus inciviles. On raconte que les soldats se dévisageaient dans les yeux avec insistance, longuement, sans détourner le regard, simplement pour vérifier que le visage de leur compagnon ne devenait pas livide sous l’effet du froid mortifère.
Le voyage entre Minsk et Borisov est, en ce mois de Janvier 2014, bien plus confortable qu’à l’époque et la compagnie des biélorusses bien plus agréable que celle des cosaques qui harcelaient, depuis le départ de Moscou, les troupes françaises durant la débâcle de la retraite de Russie.
C’est le cœur de l’hiver et la vue du paysage verdoyant et doux que nous aurions pu découvrir au printemps le long de ce fleuve qui fut le linceul de milliers d’hommes nous est refusée. Nous sommes pris tel un frêle esquif dans les glaces d’un arctique qui ne porte pas son nom. Mais en bordure de cette ville, Borisov, opulente, dont ma passion pour le football m’avait fait connaitre le nom depuis quelques années sans que jamais je ne fasse le rapprochement avec cet évènement majeur de l’histoire napoléonienne, nous visitons Charles, l’Ambassadrice de France en poste dans la capitale Minsk, une délégation fournie d’institutionnels biélorusses et une nuée de journalistes, le petit musée, perdu au milieu de nulle part, qui tente de rendre témoignage d’un fait dont le hasard de l’histoire aura rendu célèbre le nom, à jamais glaçant, de ce fleuve devenu légendaire, la Bérézina.

« Destination Napoleon » prend ici tout son sens, par sa dimension historique, culturelle et touristique. Dans ce pays, si différent et avec lequel il n’est pas encore tout à fait facile de collaborer, tout est à faire en matière de structuration et de développement touristique. Le sport démontre qu’il est un facteur certain d’ouverture à l’occident, avec l’organisation à Minsk des championnats du Monde de Hockey en mai dernier. A cette occasion il n’était point besoin de visas pour se rendre en Biélorussie.
Sur un autre registre, la Fédération et son Itinéraire Culturel Européen peuvent générer, modestement mais avec rigueur une reconnaissance d’échelle internationale non seulement pour le nom mais aussi pour le site de la Bérézina.
L’enjeu est de replacer la géographie dans le contexte historique de la Campagne de 1812 et de faire du passage de la Bérézina (26, 29 Novembre 1812), la passerelle qui relie la Russie à l’Europe.
À suivre…
Chroniques de voyages par Jacques Mattei
Apparaissent dans cet épisode : Minsk, Passage de la Bérézina.